Pratique des Designers Republic

Dans son interview pour Emigre, Ian Anderson compare sa démarche à celle d’Andy Warhol. Il déplace les objets de tous les jours et les recontextualise, parfois pour nourrir des critiques sociales, parfois par moquerie, parfois pour la simple beauté de ces objets. Selon ses termes, il « sample » les modèles visuels existants. Cette méthode de travail est en quelque sorte une réponse à l’intrusion des termes consuméristes dans le langage courant.

Le studio s’interroge également sur la production de valeur dans le champ artistique, comme en témoigne sa poupée DR-Sissy™. Ce personnage, métaphore d’un capitalisme qui cache des manipulations psychologiques derrière une apparence innocente, est créé pour l’interview donnée à Emigre en 1994, puis réutilisé pour Wipeout l’année suivante, en tant qu’avatar d’une des écuries de course. Par la suite, TDR l’exploite en dehors du jeu pour la développer comme fausse marque et la commercialiser sous la forme d’une poupée hakata. Ces poupées sont des sculptures japonaises façonnées par un artisan, puis moulées et multipliées jusqu’à trois cent exemplaires par moule. Malgré leur duplication, ces poupées sont perçues comme des objets reflétant la créativité de l’artisan, car un seul individu intervient sur toutes les étapes de leur réalisation. TDR vient ici détourner ce processus en dupliquant sa poupée à l’aspect pop. Elle est ainsi censée prendre la valeur du travail de l’artisan mais elle ressemble fortement à une figurine de collection en plastique qui aurait pu être produite en série mécanisée. On se demande alors : ce qui fait l’authenticité d’un tel objet. Comment la technique de fabrication, mécanisée ou non, influe sur la valeur de l’objet. Il semblerait que cette valeur et cette authenticité ne soient ni liées au nombre limité d’objets produits, ni à la quantité de travail accumulée. Le studio néerlandais Metahaven peut apporter une précision intéressante sur ce qui, au sein de la créativité de l’artisan, est susceptible de créer de la valeur. Selon Metahaven, l’économie actuelle des objets de design fait qu’ils sont aliénés de leur tradition, de leur valeur d’usage et de leur valeur d’échange. L’important est le potentiel des formes graphiques qu’émet un designer à créer de nouvelles envies. Les designers sont perpétuellement amenés à créer de nouveaux « régimes de surfaces séduisantes »5, qui se font concurrence entre elles, créant une forme de spéculation de l’ordre de l’économie de l’attention et des valeurs libidinales.