Bonjour, je m'appelle Lou et je vais vous présenter courtement le texte de Thomas Berns et Tyler Reigeluth, dans le cadre de mon cours de design numérique, qui s'appelle "Ethique de la communication et de l'information"

Remerciements ( ´ ∀ `)ノ~ ♡

Nous aimerions tout d’abord à remercier les étudiant·e·s du cours « Éthique de l’information et de la communication » de l’ULB qui ont contribué au fil des années à mettre à l’épreuve et à enrichir cet ouvrage.

Ce livre est par ailleurs l’un des points d’aboutissement de la recherche collective FRFC menée au sein du projet « Gouvernementalité algorithmique » entre 2013 et 2017 en collaboration avec Dominique Deprins (Université de Saint-Louis Bruxelles), Antoinette Rouvroy (FNRS / Université de Namur) et Jérémy Grosman (Université de Namur). Notre écriture est marquée par la richesse de cette collaboration et nous les en remercions chaleureusement.

Nous tenons tout particulièrement à remercier Salomé Frémineur pour ses discus- sions stimulantes, depuis sa participation au cours jusqu’à sa relecture du manuscrit. Son accompagnement nous a été précieux.

Préface (=^‥^=)

Ce livre, tout en étant porteur d’une incontestable dimension critique, sur laquelle nous nous arrêterons immédiatement après, est avant tout animé par une visée péda- gogique : il s’agit d’un manuel d’initiation philosophique interrogeant la possibilité d’une éthique depuis sa mise en difficulté par sa réduction à la communication. Il s’agit en effet de constater une généralisation du paradigme communicationnel et informationnel à un nombre croissant de dimensions de la vie. Tout semblerait être tendanciellement ramené à une question de communication, y compris le rapport et la démarche éthique elle-même. De ce point de vue, on assisterait à la généralisation d’une logique communicationnelle de plus en plus transversale et générique. Dans le même temps, elle trouverait une forme de spécificité dans l’existence de technologies de l’information et de la communication pouvant développer cette logique sur un mode automatisé.

En tant que manuel d’initiation, dont le contenu a été éprouvé auprès de plusieurs générations d’étudiant·e·s de l’Université libre de Bruxelles, issus de disciplines diffé- rentes, ce livre comprend aussi :

  • des pages permettant des mises à niveau en brossant rapidement un paysage philosophique de manière à familiariser lecteurs et lectrices avec certains questionnements et certaines problématiques philosophiques incontournables ;
  • des développements sur des concepts fondamentaux de l’éthique de la communication – l’enjeu de la médiation technique, la question du public, la théorie du performatif – aussi bien que sur des écoles de pensée l’ayant fortement nourrie à l’époque contemporaine comme la tradition cybernétique, la pensée heideggérienne, la pensée de Simondon ou encore celles de Kant et de Habermas ;
  • de multiples exemples de problématisation basés sur des cas concrets issus des domaines technique, juridique, politique ou économique. De manière significative, et en accord avec l’approche de l’éthique développée ici, ces cas ne sont jamais de simples expériences de pensée pour expérimenter la validité théorique d’un raisonnement éthique donné, mais servent au contraire de terreau à partir duquel les enjeux se dessinent dans toute leur ambivalence et leur porosité.
  • En somme, ce livre propose un parcours philosophique qui ne cherche pas tant à offrir une nouvelle éthique de l’information et de la communication qu’à produire des déplacements dans nos cadres de pensée habituels. Grâce à ces déplacements, une certaine sensibilité éthique peut se développer, c’est-à-dire une disposition qui prend soin de reconnaître le caractère mal rangé des problèmes communicationnels contem- porains, sans jamais essayer de les neutraliser ou de les désamorcer à l’avance. Écrit à plusieurs mains et fruit de ces dialogues multiples, cet ouvrage butine allègrement dans différents champs spécifiques de l’espace de la communication contemporaine chaque fois déterminés par des enjeux techniques. Nous entendons montrer que ces derniers méritent pleinement un questionnement de nature philosophique, c’est- à-dire qui résiste à la tentation de les instrumentaliser aussi bien qu’à celle d’une instrumentalisation de la philosophie elle-même. La double exigence de résister à une compréhension instrumentale des techniques et à une instrumentalisation de la philosophie dans son questionnement de la technique, et la conviction que ces deux types d’instrumentalisation en apparence antagoniques se renforcent mutuellement cernent pour nous la visée éthique de ce livre.

    Introduction (ू꒪꒳꒪)ू

    De la libre concurrence sur le marché au rapport de couple en passant par la logistique, la stratégie militaire, la génétique, l’organisation politique et la santé mentale, rien ne semble échapper à la communication et à l’information. De fait, ces dernières ont tendance à devenir l’expression d’une réalité de plus en plus générique et ubiquitaire, recoupant un nombre croissant de domaines d’expérience. La communication est l’objet central de l’économie (le « capitalisme cognitif ») ; elle équivaut au social (la « société de l’information ») ; elle est considérée comme le seul vecteur de régulation politique et le garant de la démocratie à l’ère post-idéologique ; elle est l’élément commun des sciences de la vie, des sciences mathématiques et des sciences humaines.

    La simple disponibilité de l’information équivaudrait à la transparence du réel et la communication en tant que telle serait une vertu morale à cultiver et à répandre. L’information est la ressource sans cesse valorisée, exploitée et monnayée alors que la communication est la logique universelle qui régit toutes nos relations, tous nos échanges. Bref, elle dessine la possibilité d’une équivalence généralisée du savoir, de l’économie, du social, du politique, de la technique, de la vie…

    Cet ouvrage prend comme point de départ le constat de cette transversalité et de cette généricité du phénomène informationnel et communicationnel. À lui seul, ce constat pose déjà question. Qu’est-ce qui permet de décrire l’hétérogénéité du réel dans des termes aussi génériques, de concevoir des choses aussi disparates à travers le même prisme ? Le mouvement d’une communication qui se généralise ne s’accompagne-t-il pas du mouvement corrélatif inverse d’une réduction à un seul mode de pensée, une seule manière de voir le monde ?

    Sans nécessairement les épouser, il n’est pas difficile de comprendre la teneur de certaines critiques ou craintes qui voient dans cette mise en équivalence généralisée des activités et expériences humaines une sorte d’hégémonie communicationnelle qui tendrait à les appauvrir et à vider la communication même de son sens. Si le terme « communication » nous vient du latin communicatio – d’où l’on tire également « communion » –, qui signifie la mise en commun, le partage sans fin, on est en droit de se demander s’il n’y a pas quelque chose qui serait incommensurable et qui résisterait donc à la possibilité même d’être communiqué.

    À ce premier constat d’une transversalité de la communication s’ajoute celui de sa spécificité. De fait, il existe des « (nouvelles) technologies de l’information et de la communication » dont la fonction même est de traiter, stocker et transmettre de l’information ; des technologies qui existent pour communiquer. En ce sens, l’information et la communication relèveraient d’un domaine spécifique du réel, dotées de leurs sciences et de leurs technologies propres. Et quand bien même la communication n’aurait pas la même consistance qu’un organisme, un neutrino, un nuage, une société ou un bâtiment, le simple fait qu’il existe des filières universitaires spécifiquement dévolues à l’étude de la « communication », des ouvrages intitulés « Éthique de l’in- formation et de la communication » ou des personnes employées en « communication politique » représente en soi une preuve sociologique suffisante pour attester la réalité de ses effets sur notre organisation sociale et nos formes de savoirs. La communica- tion est quelque chose que l’on peut apprendre et pratiquer. L’information est quelque chose que l’on peut dévoiler et cacher. Mais comment saisir la réalité de ces choses qui paraissent au demeurant si difficiles à localiser et à distinguer ?

    Ce double constat nous confronte à une tension qui dessine le cadre général de cet ouvrage : rien n’échappe a priori à l’information ou à la communication en tant que mode d’appréhension du réel et, en même temps, il y aurait des techniques spécifiques pour traiter l’information et pour communiquer. D’une part, le phénomène informa- tionnel est transversal et générique, et d’autre part, il est spécifique et fonctionnel. L’objectif de cet ouvrage n’est pas de résoudre cette tension ou de régler la question en offrant une théorie englobante de l’information ou de la communication. Il s’agit plutôt de travailler à partir de cette tension en exposant certains enjeux qui nous permettent de réfléchir l’éthique de l’information et la communication à nouveaux frais. Le présent ouvrage ne doit pas se lire comme un guide pratique ou une intro- duction générale au sujet. Il n’a pas pour vocation d’être une « boîte à outils » offrant des solutions ou des cadres théoriques prêts à penser. Nous cherchons en revanche à produire une forme de perturbation éthique en suscitant de l’intérêt pour des questions et des domaines d’expérience que l’on a tendance à négliger ou à contourner lorsqu’il s’agit de penser une éthique de la communication.

    Dès lors, si cet ouvrage propose une réf lexion éthique sur le phénomène communicationnel, ce n’est pas au sens où il offre des critères pour qualifier une « bonne » communication ou une « vraie » information. Il n’est donc pas question de proposer une déontologie ou une éthique sectorielle qui nous fournirait des critères discriminants ou les normes à respecter en matière de traitement et de circulation d’information. Il s’agit bien plus d’une mise en perspective philosophique autour de deux questions principales qui vont nous occuper : « Que fait la communication à l’éthique ? » et « Qu’est-ce qu’une éthique de la communication ? » La première question est une manière de problématiser le constat de transversalité et de la géné- ricité de la communication en réfléchissant sur les effets que celles-ci produisent sur nos cadres éthiques, sur nos normes d’action et nos valeurs morales dès lors qu’elle sert de référent ubiquitaire. La deuxième question renvoie pour sa part au constat de spécificité et de fonctionnalité de la communication en examinant l’aspect que revêt l’éthique lorsqu’elle s’applique à ce domaine particulier.

    Nous distinguons ces questions directrices de manière heuristique mais force est de constater qu’elles soulèvent directement une certaine tension : s’interroger sur la spécificité de la communication en tant qu’objet ou domaine de réalité à part entière nous force aussitôt à constater qu’elle traverse toute une série d’autres objets ou domaines de réalité. Tout se passe comme s’il était impossible de considérer la communication pour elle-même, comme si elle était toujours le signe d’autre chose et qu’elle nous invitait à considérer ce qui se communique… alors même que tout semble pouvoir se communiquer ! Comment une éthique de la communication ne se dilue-t- elle pas tout simplement dans cette réalité confuse ; en quoi peut-elle encore consister ? Il faut faire face à ce vertige sans pour autant succomber à la spirale à laquelle il nous invite. C’est là encore le geste éthique que nous réclamons : résister à des facilités de pensée lorsque tout semble se mélanger. Il s’agit au fond de convertir notre regard sur une réalité (trop) familière et d’éviter les abris trop fréquentés qui nous épargnent de faire attention à ce qui bouge autour de nous. Convertir notre regard, mais au profit de quoi ? Ce livre ne prétend pas fournir un panorama totalisant pour répondre à cette question mais simplement offrir certaines hypothèses.

    Retour au menu principal ૮₍ ´• ˕ •` ₎ა